Depuis toujours, l’armée s’adapte à un environnement sécuritaire mouvant. En raison de la situation favorable du point de vue de la sécurité après la fin de la guerre froide, l’institution militaire a été davantage articulée autour de l’appui subsidiaire au profit des autorités civiles qu’autour de la défense en cas de conflits armés. Les effectifs de l’armée ont donc diminué et son budget n’a cessé de baisser. Dans le même temps, l’armée a renforcé son engagement au profit de la promotion militaire de la paix, comme en témoigne la participation, depuis le début des années 1990, d’observateurs militaires suisses à des missions de promotion de la paix des Nations Unies en Afrique, au Proche-Orient et plus tard également dans d’autres régions. En 1999, un premier contingent suisse a ainsi participé à la mission multinationale de paix au Kosovo.
Au tournant du siècle, l’environnement sécuritaire a recommencé à se dégrader rapidement, principalement en raison du terrorisme, de la propension à la violence de groupements non étatiques ainsi que de l’effondrement des structures étatiques au Moyen-Orient, dans certaines régions de l’Afrique et en Asie centrale. Ces développements ont eu un impact à la fois direct et indirect sur la Suisse. Dès lors, l’armée se devait de pouvoir intervenir rapidement et avec flexibilité, tout en étant apte à coopérer pour appuyer les autorités civiles dans leur lutte contre le terrorisme.
L’étape de développement 2008/2011 prévoyait de tenir compte de ces exigences. Afin qu’il y ait suffisamment de forces armées pour effectuer si besoin des engagements de sûreté, les troupes essentiellement prévues pour assumer des tâches de défense ont dû être réduites. Une partie des formations de l’artillerie et de chars ont par la suite été transformées en unités d’infanterie. En cas de danger imminent, celles-ci auraient pu contribuer à améliorer la sécurité et la stabilité en protégeant des espaces et des infrastructures stratégiques. Dans le cadre du Développement de l’armée, la capacité à appuyer les autorités civiles a encore pu être améliorée, grâce notamment à un système de disponibilité échelonnée et à la désignation de formations de milice à disponibilité élevée.
S’agissant de sa mission de défense, l’armée s’oriente aujourd’hui sur un tableau hybride, englobant de nombreux acteurs et formes de conflits. Une attaque peut aujourd’hui être menée sans avoir recours à la violence armée et viser la société ainsi que les infrastructures critiques. En cas de dégradation de la situation, l’armée doit toutefois être prête à passer rapidement et efficacement d’une mission de protection à une mission de combat, d’où la nécessité pour elle d’avoir un éventail de capacités aussi large que possible.
Le Conseil fédéral a pris des décisions de principe concernant les capacités dont l’armée devra disposer pour être en mesure d’accomplir ses tâches. Les principales orientations de ce développement sont consignées dans les trois rapports de base ci-après:
Le rapport Avenir de la défense aérienne (2017) avance que l’armée doit à l’avenir être capable d’assumer des tâches de police aérienne, de protéger des sites de conférences et de défendre l’espace aérien lors de conflits armés. Pour cela, elle a besoin de combiner avions de combat et moyens de défense sol-air. De plus, elle doit développer à nouveau sa capacité à neutraliser avec précision, à partir du ciel, des cibles au sol.
Le rapport Avenir des forces terrestres (2019) insiste sur la nécessité d’axer davantage la mission des forces terrestres sur un tableau des conflits en rapide et constante évolution. D’où le besoin d’équiper ces forces de systèmes plus légers et mieux protégés, pouvant être déployés de manière plus mobile et différenciée. Dans un tel contexte, le fait que de nombreux systèmes principaux des forces terrestres arrivent bientôt au terme de leur durée d’utilisation n’est pas seulement un problème, mais aussi une chance. Ainsi, les capacités de l’armée pourront à l’avenir être systématiquement axées sur les exigences politico-sécuritaires, militaires et technologiques.
Le rapport Conception générale cyber (2022) pose les bases nécessaires à la digitalisation des troupes et à l’autoprotection dans le cyberespace et l’espace électromagnétique. Afin de pouvoir identifier et neutraliser les cyberattaques à tout moment et dans toutes les situations, une surveillance permanente, une protection décentralisée des systèmes informatiques ainsi qu’un renforcement en personnel sous la forme d’un cyberbataillon sont nécessaires. Dans l’espace électromagnétique, la majorité des formations doivent être capables d’intervenir de manière autonome, en coupant par exemple les communications radio adverses.
Le Conseil fédéral a pris connaissance de la Conception générale cyber et a prononcé des décisions de principe concernant les rapports sur les forces terrestres et aériennes. Ces décisions ainsi que d’autres travaux conceptuels, comme le rapport rédigé en réponse au postulat 11.3752 «Avenir de l’artillerie», continuent à servir de fondement pour le développement de l’armée. Les leçons tirées de la guerre en Ukraine ont largement confirmé l’orientation qui a été prise, les capacités de l’armée devant dans l’intervalle être davantage encore axées sur sa mission de base, qui consiste à garantir la défense.
Que signifie « développement des forces armées axé sur les capacités » ?
Le Développement de l’armée, en tant que projet de réforme, s’est terminé à la fin de l’année 2022; le processus de développement continu se poursuit cependant et s’oriente sur les capacités que l’armée se doit de maintenir ou d’acquérir en sa qualité de système global pour maîtriser les menaces et les dangers à venir. Font partie de ces capacités la planification de l’action, la recherche de renseignements, la sauvegarde de la souveraineté sur l’espace aérien, la lutte contre les actions offensives, les prestations logistiques et sanitaires ou encore le transport aérien.
Afin de définir les capacités dont l’armée aura besoin à court, moyen et long terme, il faut d’abord analyser le contexte stratégique dans lequel s’inscrit la Suisse sur le plan de la sécurité, en particulier les évolutions et tendances politiques, militaires, sociétales et technologiques. À cet égard, ce sont les rapports du Conseil fédéral sur la politique de sécurité qui sont déterminants, car ils analysent la situation de manière détaillée et montrent jusqu’à quel point le profil de capacités de l’armée lui permet de réagir rapidement, judicieusement et efficacement aux possibles menaces et dangers.
L’armée élabore des scénarios, afin de pouvoir évaluer ces menaces et dangers. Lors de cette appréciation, elle tient notamment compte de la probabilité d’occurrence et de l’ampleur des dommages escomptés. Sur cette base, divers profils de capacités sont développés. Ces profils permettent de gérer de manière plus ou moins efficace les menaces et dangers décrits dans les scénarios en question. L’un de ces profils de capacités est finalement sélectionné pour la mise en œuvre, définissant ainsi les valeurs-cibles pour l’orientation de l’armée.
La détermination d’un profil de capacités donné est nécessaire, car l’armée, pour des raisons financières, ne peut pas développer toutes les capacités de manière à être préparée au mieux à tous les scénarios. En lieu et place, elle doit fixer des priorités, ce qui signifie qu’elle doit renoncer à certaines capacités.
En comparant les profils de capacités actuels et futurs, il est possible d’identifier les lacunes et de les combler. L’armée a élaboré différentes options de développement à cet effet.
Le développement axé sur les capacités est un processus continu. Il a été pensé de sorte que de nouveaux constats puissent toujours être pris en compte, en particulier les leçons tirées des conflits armés ainsi que les risques et les chances découlant des progrès technologiques.
Le profil capacitaire actuel de l’armée
Le profil de capacités actuel de l’armée est subdivisé en dix domaines, auxquels sont affectés différents moyens et systèmes. Plus leur quantité et leur qualité sont élevées, plus ces domaines sont accentués, comme le montrent les barres correspondantes dans le diagramme ci-après.
Le domaine de capacités «Effet contre des cibles aériennes» montre par exemple les moyens dont dispose l’armée aujourd’hui afin de lutter contre les attaques venues du ciel. Ceux-ci sont toutefois dépassés et ne permettent que partiellement de contrer les nouveaux types de menaces. Afin de maintenir le niveau de capacités, il est donc nécessaire de procéder au remplacement du matériel existant par des moyens plus modernes (qualité). En augmenter le nombre (quantité) permettrait en outre d’améliorer le niveau en question.
Dans le contexte militaire, la conduite signifie engager ses propres moyens de manière à ce qu’ils contribuent à atteindre les buts fixés. Aujourd’hui, la conduite militaire ne peut plus se limiter à la donnée d’ordres entre différents échelons de conduite, car le caractère hybride des conflits actuels exige précisément que les tâches militaires soient exécutées par diverses armes et en étroite collaboration avec des partenaires civils, le tout dans plusieurs espaces d’opération en même temps, à savoir au sol, dans les airs ainsi que dans le cyberespace et l’espace électromagnétique. La capacité de conduite présuppose donc aussi un réseau dense de moyens de conduite et d’action.
Une grande partie des systèmes de conduite, d’informatique et de télécommunication nécessaires à la mise en réseau arrivent aujourd’hui au terme de leur durée d’utilisation. Il s’agit de systèmes individuels de divers types et de différentes générations qui, même s’ils sont coordonnés, ne peuvent interagir que de manière limitée. Au cours des dix dernières années, l’armée a fait des efforts pour améliorer la conduite d’actions en réseau à tous les échelons en développant le Réseau de conduite suisse, en uniformisant les systèmes de télécommunication et en renforçant les centres de calcul du DDPS.
Malgré tout, le domaine de la conduite présente encore des lacunes de capacités. Dans un environnement d’engagement de plus en plus complexe, avec une pression temporelle toujours plus forte, il faut que l’échange rapide et sûr de grandes quantités de données soit possible, tant pour établir une image de la situation que pour collaborer avec les partenaires civils. Or, certains échelons de conduite, en particulier les échelons inférieurs, sont aujourd’hui exclus d’un tel réseau numérique. S’ils veulent utiliser les systèmes de conduite et d’information actuels, ils doivent s’attendre à des interruptions techniques et à des pertes de données.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Renseignement intégré et capteurs ?
La recherche de renseignements est une condition indispensable pour que l’armée puisse accomplir sa mission en toute situation. Les états-majors et les formations du Renseignement militaire veillent à fournir à tous les échelons de conduite les informations nécessaires sur l’adversaire, les partenaires et le contexte. Grâce à différents moyens, appelés capteurs, ils peuvent se représenter la situation, évaluer les menaces ou les dangers et échanger des informations avec des organes civils.
Pour la recherche de renseignements au sol, l’armée dispose de formations d’exploration et d’éclaireurs équipées de véhicules protégés, d’appareils à image thermique et de jumelles. Afin d’identifier la partie adverse et de désigner les cibles, il manque toutefois des moyens d’observation plus précis, fonctionnant indépendamment des conditions météorologiques et pouvant être déployés de façon tant mobile que stationnaire. Le nouveau système d’exploration tactique comblera cette lacune. Quelques formations disposent par ailleurs de mini-drones, qui permettent une exploration en temps réel de l’espace à proximité du sol. Ceux-ci ne sont toutefois pour l’heure disponibles qu’à des fins de test et en petite quantité. Les moyens actuels ne permettent donc pas à l’armée d’établir une image de la situation adaptée à l’échelon.
La recherche de renseignements dans l’espace aérien se fait en partie au moyen d’un système de drones de reconnaissance, qui ne se prête toutefois pas à des opérations dans des espaces aériens contestés ou à des engagements sur de longues distances. Pour ce faire, des avions de combat à même de s’autoprotéger sont requis. Grâce à l’introduction du nouvel avion de combat, l’armée pourra effectuer des opérations de reconnaissance sur de grandes distances, indépendamment de la situation et des conditions météorologiques.
L’image de la situation aérienne obtenue grâce à ces capteurs aériens est complétée par des capteurs au sol de types civil et militaire, avant tout à l’aide du système de surveillance de l’espace aérien et de conduite des opérations aériennes ainsi que du radar tactique d’aviation. Ce dernier sera mis hors service dès 2025, en raison de son âge. Globalement, les capteurs ont pour but de préserver la souveraineté aérienne. Toutefois, pour la défense aérienne, de tels capteurs ne sont pas assez robustes et trop exposés.
La recherche de renseignements dans l’espace exo-atmosphérique, gagne aussi en importance pour l’armée, notamment dans les domaines de la télécommunication, de l’observation de la Terre, de la géolocalisation et de la navigation de précision. L’armée dépend aujourd’hui largement de prestations satellitaires de fournisseurs commerciaux et de certains partenaires de coopération. Elle examine actuellement comment elle peut, conformément à la publication Politique spatiale 2023 approuvée par le Conseil fédéral le 19 avril 2023, mieux utiliser l’espace exo-atmosphérique.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Effet contre des cibles aériennes ?
La Suisse dispose d’un système global de surveillance, de protection et de défense de son espace aérien. Si certaines composantes de ce système sont modernes, d’autres sont dépassées; une partie arrive même au terme de sa durée d’utilisation.
Les Forces aériennes assurent le service de police aérienne 24 heures sur 24. En cas de tensions accrues, elles seraient à même de préserver la souveraineté aérienne pendant plusieurs semaines ou mois et, en cas de conflit armé, elles pourraient lutter contre les menaces venues du ciel, même si ce serait de manière limitée dans le temps et dans l’espace. En situation de défense, la capacité d’endurance des avions de combat serait très limitée, également sur le plan des munitions. À l’heure actuelle, il n’est pas possible de neutraliser des cibles au sol; l’acquisition du nouvel avion de combat permettra de remédier à cette situation.
La défense sol-air dispose actuellement de deux systèmes de défense aérienne de courte portée. Ces systèmes peuvent être déployés jusqu’à une hauteur de 3000 mètres au-dessus du sol et permettent avant tout de lutter contre les hélicoptères de combat ainsi que contre certains types de drones. Ils atteindront la fin de leur durée d’utilisation au début des années 2030 et devront donc être remplacés. Il manque en revanche aujourd’hui un système permettant d’atteindre des cibles à longue distance. L’acquisition d’un tel dispositif ayant été acceptée dans le cadre du message sur l’armée 2022, un système de défense aérienne de type Patriot sera mis en service à partir de 2027.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Effet contre des cibles au sol ?
Les forces terrestres doivent pouvoir aider, protéger et combattre. Au quotidien, elles peuvent s’acquitter de tâches de protection et appuyer également les organisations de sauvetage civiles si besoin est. En cas de tensions accrues, les forces terrestres devraient assumer des tâches de protection additionnelles. Étant donné que de telles phases peuvent s’étendre sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années, les effectifs actuels de l’armée seraient tout juste suffisants pour pouvoir s’acquitter de toutes les tâches en conservant leur capacité à durer. Une grande partie des forces terrestres devraient être engagées pour la seule protection des infrastructures critiques.
En cas d’attaque armée, différents moyens seraient déployés de manière coordonnée. Si une incursion terrestre survenait, les troupes blindées pourraient pour le moins retarder voire contrer l’attaque de l’adversaire. Leur système principal, le char de combat Leopard, peut encore être utilisé jusqu’au milieu des années 2030 grâce à diverses mesures de maintien de la valeur. Le système principal de l’artillerie, qui sert à appuyer le feu, a en revanche déjà atteint la fin de sa durée d’utilisation. Les obusiers blindés ne se prêtent par ailleurs pas à une neutralisation précise des cibles situées en terrain bâti complexe.
Enfin, il manque aux forces terrestres la capacité centrale d’atteindre des cibles blindées mobiles à des distances d’au moins quatre kilomètres. Depuis la mise hors service du chasseur de chars, elles ne peuvent toucher de telles cibles que si elles se trouvent à courte distance, c’est-à-dire si elles sont à portée de vue.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Effet dans le cyberespace et l’espace électromagnétique ?
Dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, des données et informations sont échangées entre capteurs, installations de conduite et moyens d’action; ces échanges sont indispensables pour permettre la planification et l’exécution d’engagements militaires. L’armée dispose de sa propre technologie de l’information et de la communication et répond de la protection des infrastructures ainsi que des systèmes correspondants.
Au vu de la quantité, de l’intensité et de la complexité croissantes des cybermenaces, le DDPS a lancé en 2016 le plan d’action Cyberdéfense DDPS, qui prévoit notamment la mise sur pied d’un commandement Cyber et d’un cursus cyber pour les recrues. Le recrutement et la formation du personnel sont encore en cours, raison pour laquelle les capacités de cyberdéfense ne sont pas encore très développées.
Dans l’espace électromagnétique, l’armée dispose de capteurs pour explorer les signaux d’émission, de réseau et de communication. Grâce à des effecteurs, elle peut aussi brouiller la transmission ou induire des erreurs de mesure chez l’adversaire. Ces capteurs et effecteurs performants sont intégrés à un petit nombre de véhicules à roues et sont prévus pour les échelons de conduite supérieurs de l’armée. Ils se prêtent cependant moins à une utilisation dans un contexte d’engagement hybride et dans les échelons tactiques inférieurs (unité / corps de troupe).
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Logistique ?
Pour être en mesure de s’acquitter de ses tâches, l’armée a besoin d’une logistique qui fonctionne. Celle-ci a été modernisée à la suite du Développement de l’armée, notamment grâce à une solution de conteneurs pour un transport efficace du matériel et d’un renouvellement complet de la flotte de poids lourds. Afin d’améliorer la disponibilité, il a en outre été nécessaire de modifier certaines parties de l’infrastructure et divers processus logistiques.
Aujourd’hui, la logistique de l’armée est avant tout axée sur la situation normale et donc sur l’instruction ainsi que sur les engagements planifiables. En cas de tensions accrues ou de conflit armé, de grandes parties de la logistique de base et de la logistique d’engagement, toutes deux centralisées, ne seraient pas protégées. L’armée ne pourrait qu’en partie stocker son matériel dans des entrepôts souterrains ou décentralisés. Quant aux transports, elle devrait les effectuer à l’aide de moyens non protégés.
En outre, il existe d’importantes lacunes matérielles. Les ressources financières pour les prestations d’exploitation immobilières et les pièces de rechange sont limitées, tandis que l’approvisionnement en munitions est calculé en fonction de l’exploitation d’instruction et non des engagements possibles. Certains types de munitions ne sont par ailleurs disponibles qu’en petites quantités.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Service sanitaire?
Le service sanitaire de l’armée se compose du service sanitaire de base et du service sanitaire de la troupe. Le premier assure les soins de santé primaires de l’armée dispensés dans des centres médico-militaires ou par la Pharmacie de l’armée, alors que le second est responsable de la prise en charge sanitaire des formations militaires. La troupe ne bénéficie aujourd’hui que d’un approvisionnement minimal, en raison des importantes lacunes d’ordre matériel et personnel. Le transport protégé de patients est très restreint faute de véhicules appropriés, une partie de la flotte existante étant composée de véhicules transformés et détournés de leur utilisation initiale. Quant aux postes de secours sanitaires, ils ne répondent plus aux exigences actuelles en matière de mobilité, de disponibilité et de fonctionnalité. Leurs équipements médicaux doivent être modernisés.
Les capacités de l’armée sont également réduites en ce qui concerne la prise en charge préhospitalière d’urgence, c’est-à-dire les soins prodigués avant l’admission à l’hôpital. S’agissant de l’approvisionnement sanitaire, l’armée est donc fortement tributaire des prestations des systèmes sanitaires et vétérinaires civils (services de secours civils, hôpitaux et cabinets médicaux).
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Mobilité non protégée au sol ?
La notion de «mobilité» englobe le mouvement et le déplacement de moyens ainsi que de formations au sol et dans les airs. Au sol, on fait la distinction entre mobilité protégée et mobilité non protégée.
Les véhicules des forces légères, qui sont par exemple utilisés pour des patrouilles ou la recherche de renseignements, peuvent disposer d’un niveau de protection plus faible, sans que des risques inacceptables ne soient pris. Font notamment partie de ces véhicules non protégés les voitures de tourisme, les véhicules de livraison ou encore les camions.
S’agissant de la mobilité non protégée, les véhicules que possède l’armée sont aujourd’hui globalement suffisants. En revanche, pour le transport de matériaux lourds, l’armée recourt aussi à des prestataires civils. Au total, il y a assez de véhicules pour équiper la troupe. Ce sont surtout les véhicules sanitaires qui viennent à manquer. Pour des raisons financières, la flotte ne dispose en effet que de la moitié environ des moyens de transport nécessaires. En outre, les possibilités de transfert simultané de grandes formations, comme des brigades ou des divisions, sont limitées.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Mobilité protégée au sol ?
Les forces terrestres doivent être mobiles dans leur secteur d’engagement, pouvoir transporter des troupes de manière sécurisée et contourner ou éliminer les obstacles rencontrés. Pour ce faire, il leur faut disposer de véhicules équipés de systèmes de protection appropriés.
Les véhicules de combat d’aujourd’hui sont intégralement protégés, même si le dispositif correspondant est avant tout prévu pour résister à des armes de petit calibre, voire de moyen calibre. Seuls les véhicules de combat de la dernière génération disposent d’une protection contre les mines. En revanche, ces derniers ne sont pas protégés contre les munitions guidées.
Dans l’ensemble, l’armée dispose d’un nombre suffisant de véhicules de combat. Cependant, la plupart d’entre eux sont vieux et ne peuvent être maintenus en service qu’au prix d’efforts considérables.
Quel est le profil de capacités actuel du domaine Mobilité aérienne ?
La mobilité aérienne englobe le transport aéroporté de personnes et de matériel, grâce auquel des formations peuvent être déplacées rapidement sur tous types de terrain. En font aussi partie les actions de recherche, de sauvetage, d’évacuation et de rapatriement, notamment pour le compte des autorités civiles. Les Forces aériennes disposent pour ce faire d’une flotte d’hélicoptères de transport et d’avions à voilure fixe.
Sur le territoire suisse, les besoins quotidiens en matière de transport aérien peuvent être majoritairement couverts par la flotte d’hélicoptères, en particulier par les hélicoptères de transport de poids moyen Super Puma et Cougar. Leur charge utile étant de quatre tonnes, leurs possibilités d’engagement sont toutefois limitées. L’armée couvre les autres besoins de transport à l’aide d’avions à voilure fixe ou d’hélicoptères légers de transport et d’entraînement.
Pour ce qui est de la mobilité aérienne sur de longues distances et vers l’étranger, le recours aux moyens propres de l’armée est très limité. Selon la situation, des prestations complémentaires sont sollicitées auprès de prestataires civils. Une participation à un pool est planifiée dans le cadre de la coopération internationale.
Ces moyens sont avant tout orientés vers un environnement où les forces civiles et militaires exercent un contrôle sur la zone d’engagement et où il est possible d’exclure que les avions soient pris pour cibles.
Les enseignements de la guerre en Ukraine
Lorsque la Russie a attaqué militairement l’Ukraine le 24 février 2022, la question s’est posée de savoir si le profil de capacités de l’Armée suisse correspondait aux exigences à venir du point de vue de la capacité de défense et de la disponibilité. Au vu de l’évolution de la situation sur le plan de la sécurité, le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé de traiter prioritairement certains projets d’armement, grâce à un programme d’armement 2022 complémentaire et à une hausse progressive du budget de l’armée; le but étant de renforcer la capacité de défense. S’agissant des projets d’armement pour les prochaines années, les priorités ont donc été redéfinies en tenant compte des différentes leçons tirées de la guerre en Ukraine, dont voici un aperçu.
Depuis l’annexion russe de la Crimée, le conflit armé en Ukraine était caractérisé par l’utilisation de moyens hybrides, mais il a finalement débouché sur une attaque avec des moyens militaires conventionnels. Aujourd’hui, la guerre se déroule dans tous les espaces d’opération.
Les incursions terrestres de la Russie sont menées à la fois par des formations mobiles légères et par des troupes mécanisées lourdes, avec l’appui d’avions de combat, d’hélicoptères de combat et de drones ; l’armée russe a également recours à des moyens de guerre électronique, à des pièces d’artillerie et à l’infanterie. Quant aux forces ukrainiennes de défense, outre les chars de combat, les pièces d’artillerie et les drones, elles utilisent également des forces légères équipées d’armes transportables de défense antichars.
Dans l’espace aérien, malgré sa grande supériorité, la Russie n’a pas encore réussi à établir une domination totale. L’Ukraine doit cela à une défense sol-air hautement mobile, capable d’éliminer les menaces sur de moyennes et longues distances. Les forces ukrainiennes réussissent en effet à abattre un nombre de drones, de missiles de croisière et de missiles balistiques, même hypersoniques, beaucoup plus élevé que prévu. Le réapprovisionnement permanent en systèmes et munitions par l’Occident contribue de manière déterminante à la protection de l’espace aérien, en particulier inférieur.
Dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, la guerre avait commencé bien avant l’invasion militaire. Les opérations cyber russes, surtout dirigées contre des institutions et infrastructures critiques étatiques, notamment contre les installations d’approvisionnement en énergie, les services gouvernementaux et les prestataires bancaires, ont cependant été moins étendues que supposé. Elles ont avant tout servi à préparer ou à encadrer des attaques militaires conventionnelles.
Les deux parties en guerre utilisent en outre une variété de moyens de communication civils et militaires à des fins stratégiques et propagandistes. Pour l’Ukraine attaquée, il est essentiel que le gouvernement et l’armée disposent de réseaux de communication protégés et d’un solide système d’interception des communications.
Indépendamment des espaces d’opération, la guerre montre une fois de plus que l’exploration est un facteur déterminant dans les opérations militaires. Un défenseur en infériorité numérique doit pouvoir établir rapidement une image globale de la situation afin d’anticiper les actions de l’adversaire. Il a besoin à cet effet d’informations provenant de satellites, d’avions de reconnaissance, de drones et d’autres capteurs; il collecte également certaines informations auprès de partenaires. La mise en réseau de ces capteurs avec des moyens d’action permet déjà de faire la différence.
Une autre condition est essentielle pour garantir une défense efficace: il faut que la logistique fonctionne et que l’approvisionnement en munitions, matériel et carburant soit suffisant. Le fait que l’armée ukrainienne ait pu se défendre aussi longtemps (et qu’elle continue de résister) est aussi et surtout dû à la livraison constante de matériel d’armement provenant des États-Unis ainsi que de l’UE et de ses États membres. Font partie de ce matériel des armes de défense antichars, des systèmes de défense contre avions, des pièces d’artillerie et d’importantes quantités de munitions.
Ces observations confirment pour l’essentiel les hypothèses qui ont été faites dans les rapports de base de l’armée en lien avec le déclenchement d’un conflit armé, surtout en ce qui concerne l’importance de la mobilité protégée, de la défense sol-air et d’une cyberdéfense résistante. Les lacunes de capacités qui ont été identifiées dans les rapports en question se sont accentuées depuis le début de la guerre en Ukraine. Elles concernent l’appui de feu indirect au sol et dans les airs, la défense antichars, la défense sol-air de courte et moyenne portée, la mise en réseau de capteurs pour l’établissement d’une image de la situation ainsi que l’approvisionnement en munitions et en matériel.
Les scénarios de développement des forces armées
Conformément à la méthode de développement des forces armées axé sur les capacités présentée au chapitre 3.2, différents scénarios, qui pourraient aussi survenir en Suisse dans les années à venir, ont été élaborés. Il s’agit d’événements et de développements exposés de manière générique, en fonction des menaces et des dangers, tels qu’ils sont évoqués dans le rapport sur la politique de sécurité 2021.
Les scénarios vont de la simple menace de faire usage de la force armée jusqu’à des opérations terrestres étendues, en passant par les provocations de groupements non étatiques. Depuis la crise libyenne qui a duré de 2008 à 2010, il est clair que la Suisse peut elle aussi être touchée, subitement et sans préavis, par des mesures drastiques que prendrait un État étranger; selon les circonstances, le gouvernement, l’économie et la société suisses pourraient subir des dommages majeurs.
Depuis la guerre en Ukraine, le scénario d’une attaque militaire par une grande puissance apparaît plus plausible que par le passé. Selon le rapport complémentaire au rapport sur la politique de sécurité 2021, une attaque armée directe contre la Suisse est certes considérée comme improbable, mais il n’en reste pas moins qu’une telle évolution ne peut être ignorée, surtout au vu de ses conséquences potentiellement désastreuses.
Les quatre principaux scénarios sont décrits ci-après dans les grandes lignes.
Dans ce scénario, des auteurs isolés ou des groupements terroristes ont recours à différentes formes de violence, comme des attentats à l’explosif, des attaques de drones ou des cyberattaques. Ils choisissent pour cibles des rassemblements de foule, des infrastructures critiques mais également des organisations internationales ou encore des représentations de pays tiers. Leur intention est de déstabiliser les États d’Europe occidentale, dont la Suisse.
Des organes civils sont engagés pour le maintien et le rétablissement de la sécurité intérieure et de l’ordre public. Si la situation de menace se prolonge, les moyens et les capacités dont ils disposent pour gérer la situation risquent de manquer. Dans ce cas, l’armée peut apporter son aide, en protégeant par exemple des infrastructures critiques, en renforçant le service de police aérienne ainsi que les services de sauvetage et les organisations hospitalières; elle peut également mettre en place des patrouilles pour accroître le sentiment de sécurité de la population et contribuer à la gestion des conséquences de cyberattaques.
Dans ce scénario, la Suisse est poussée à faire des concessions lors d’un démêlé avec un autre État. Afin d’imposer ses intérêts, cet État cause une escalade progressive du conflit en utilisant d’abord des moyens de pression politiques et économiques, puis en lançant des cyberattaques, en tentant d’influencer massivement la population et en retenant arbitrairement des ressortissants suisses sur son territoire. La Suisse s’en trouve déstabilisée dans tous les domaines pertinents de l’existence. L’étape suivante consiste pour l’État en question à faire planer la menace d’un engagement d’armes à distance, notamment de drones armés, de missiles de croisière et de missiles balistiques, qu’il a pris soin, au préalable, de tester publiquement.
Dans une telle situation, l’armée doit pouvoir fournir un appui subsidiaire aux autorités civiles pour protéger les infrastructures critiques, intensifier la protection de l’espace aérien, aider à déjouer des opérations de forces spéciales ou, en cas d’urgence, renforcer les forces de sauvetage. Dans ce scénario, la Suisse est donc confrontée à une menace qui exige l’engagement d’un large éventail de moyens.
À la suite d’une attaque armée lancée par une grande puissance contre un État européen, l’environnement sécuritaire de la Suisse devient instable et imprévisible. Des difficultés d’approvisionnement en biens importants menacent partout en Europe. En sa qualité d’État neutre, la Suisse ne participe pas au conflit armé; elle applique cependant les sanctions prises contre l’agresseur, qui la considère dès lors comme un pays ennemi. Des troubles et des manifestations violentes, des actes de sabotage, des tentatives de répression économique ainsi que des cyberattaques ont lieu, dont la responsabilité incombe selon toute vraisemblance à la grande puissance en question. Des attaques sont aussi perpétrées contre des infrastructures critiques. Une intervention militaire directe de la grande puissance dans des pays voisins devient toujours plus probable.
Pour faire face à cette grave menace, l’armée effectue des tâches subsidiaires de sûreté. Afin de contrôler les mouvements migratoires, elle appuie aussi les autorités chargées des frontières et de la migration. Son service de renseignement contribue en outre à la recherche et à l’interprétation d’informations sur les acteurs et sur la situation.
Les formes de conflits hybrides visent à déstabiliser une société sur le long terme dans tous les secteurs importants de l’existence. Or, un acteur étatique ne réussissant pas à imposer ses intérêts de cette manière, il finit par recourir à des moyens militaires dans le but d’isoler et d’occuper un territoire avec ses propres forces. L’adversaire commence par lancer une attaque à partir des airs, avec des forces spéciales; plus tard, il envoie des forces terrestres régulières. En plus des aéronefs et des chars, l’adversaire engage des drones téléguidés, des armes de précision et d’autres moyens modernes. Il mène par ailleurs des opérations visant des infrastructures critiques ainsi que des systèmes de communication dans le cyberespace et l’espace électromagnétique.
Dès que l’intensité et l’ampleur de la menace atteignent un niveau qui met en péril l’intégrité territoriale, la population ou l’exercice de l’autorité étatique, le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale peuvent engager l’armée à des fins de défense. Celle-ci combat les attaques adverses dans tous les espaces d’opération et appuie les forces d’intervention civiles à l’aide de moyens militaires.
L’évaluation des quatre scénarios de développement des forces armées
Les scénarios esquissés ci-dessus sont évalués quant à leur probabilité d’occurrence et à l’ampleur des dommages escomptés. Le Conseil fédéral utilise à cet effet la même terminologie que le Service de renseignement de la Confédération dans ses rapports annuels de situation. Sur l’échelle ascendante, les menaces sont qualifiées de «plutôt probables», «probables», «très probables» ou «extrêmement probables», alors que, sur l’échelle descendante, elles sont qualifiées de «plutôt improbables», «improbables», «très improbables» ou «extrêmement improbables».
Sur la base des résultats d’une analyse nationale des risques, l’Office fédéral de la protection de la population a publié en 2020 un rapport évaluant les risques liés à 44 catastrophes et situations d’urgence. Parmi les dangers liés à des événements provoqués délibérément, le rapport mentionne les attentats terroristes, les troubles, les cyberattaques et les conflits armés, qui font tous partie du présent scénario. Une survenue de ces événements est qualifiée de partiellement à assez plausible, alors que des dommages possibles sont estimés à plusieurs milliards de francs. Le rapport sur la politique de sécurité 2021 constate de son côté que la menace terroriste la plus probable émane de personnes radicalisées et que la Suisse reste une cible secondaire de telles attaques. Il faut en revanche s’attendre à ce que l’augmentation des cyberattaques d’origine étatique observée ces dernières années se poursuive.
Une menace grave pour la sécurité intérieure est donc toujours probable en Suisse, même si les dommages attendus resteraient limités; ils seraient comparables à ceux causés par un événement météorologique extrême.
Le rapport sur la politique de sécurité 2021 constate que de plus en plus d’acteurs étatiques et non étatiques peuvent utiliser des armes de longue portée. Une attaque armée contre la Suisse pourrait par exemple aussi être menée depuis l’extérieur de l’Europe, que ce soit avec des missiles balistiques, des missiles de croisière ou des drones armés. Une attaque contre la Suisse avec de telles armes est certes considérée comme improbable dans les prochaines années, mais la crise libyenne de 2008 à 2010 a montré de quelle manière un État pouvait sans préavis prendre des mesures drastiques contre la Suisse, à commencer par des menaces et du chantage.
Vu le contexte de concurrence géopolitique et les possibilités technologiques, une telle menace à distance doit être qualifiée de vraisemblable. Considérés de manière isolée, les dommages escomptés dans le cadre d’un tel scénario seraient moyennement importants. Toutefois, si les événements touchent aussi à d’autres secteurs de l’État, de l’économie et de la société, les dégâts peuvent selon l’intensité de la menace être considérables.
L’attaque russe contre l’Ukraine en février 2022 a fait de la possibilité d’un conflit interétatique armé à périphérie de l’Europe une réalité. Le rapport sur la politique de sécurité 2021 constatait que les tensions entre l’Occident et la Russie et le risque d’une confrontation entre cette dernière et l’OTAN avaient fortement augmenté. Il soulignait qu’en cas d’escalade, voire de conflit armé entre l’OTAN et la Russie, la durée des hostilités pourrait également constituer une menace directe pour la Suisse, que ce soit sous la forme d’instabilités politiques, économiques et sociales, de défaillances des chaînes d’approvisionnement ou de mouvements migratoires accrus.
Un tel scénario est également probable, d’autant plus que les activités d’influence et les incidents cyber ont aussi fortement augmenté en Suisse depuis le début de la guerre en Ukraine. D’autres formes de guerre hybride ne peuvent pas être exclues et sont susceptibles de survenir sans préavis. Même si le seuil d’un conflit armé n’était pas dépassé, les dommages attendus pourraient être très importants, surtout dans le cas d’actes violents ou d’attaques contre des infrastructures critiques.
Le rapport sur la politique de sécurité 2021 considère la menace d’une attaque de grande envergure contre la Suisse comme improbable à court et à moyen terme. Cette appréciation est restée inchangée depuis le début de la guerre en Ukraine, étant donné que la Suisse profite de facto de l’effet protecteur de l’OTAN. Cependant, les conséquences d’une attaque militaire généralisée seraient si graves qu’un tel scénario ne doit pas être négligé. Le rapport sur l’analyse nationale des risques de l’Office fédéral de la protection de la population, qui estime les dégâts possibles à plusieurs centaines de milliards de francs, parvient à la même conclusion.
Une attaque militaire étendue contre la Suisse reste donc improbable; toutefois, dans un tel cas, les dégâts seraient énormes.
Si l’on considère la probabilité d’occurrence et l’ampleur des dommages escomptés dans les quatre scénarios et que l’on compare les résultats obtenus, il s’avère que le scénario 1 est celui qui a le moins d’importance, du moins pour le développement futur de l’armée. Comme ce sont avant tout des organes civils qui sont compétents pour la gestion d’une grave menace pesant sur la sécurité intérieure, ce scénario n’a pas été pris en compte dans l’élaboration des variantes décrites ci-après. Les variantes sont cependant toutes conçues de manière à ce que l’armée puisse fournir des prestations d’appui aux autorités civiles dans la même mesure que par le passé.
Les variantes d’orientation de l’armée
L’armée a élaboré trois variantes pour l’orientation de l’armée à long terme, qui sont plus ou moins fortement axées sur les scénarios 2, 3 et 4. Il en résulte trois profils de capacités distincts, qui prévoient un développement variable dans les différents domaines de capacités, selon les exigences liées aux scénarios à maîtriser. Se préparer en priorité à une attaque à distance (scénario 2) exige par exemple une capacité d’action prononcée contre des cibles dans les airs, afin de pouvoir combattre des missiles balistiques ou des missiles de croisière.
Indépendamment de leur orientation, les trois variantes ont les points communs ci-après:
a) Elles partent de l’hypothèse que le budget de l’armée va augmenter progressivement, pour atteindre 1 % du PIB en 2035,
b) Elles sont conçues de manière que l’armée puisse fournir des prestations d’appui aux autorités civiles dans la même mesure que par le passé, c) Elles prennent en compte le renforcement généralement nécessaire des capacités dans les domaines «Conduite et mise en réseau» et «Renseignement intégré et capteurs», qui revêtent dans tous les cas une importance cruciale pour la capacité d’engagement de l’armée, d) Elles permettent de garantir au minimum le maintien au niveau actuel des prestations de l’armée dans le domaine de la promotion militaire de la paix, e) Elles tiennent compte d’une coopération internationale intensifiée, afin de renforcer la capacité de défense de l’armée.
Compte tenu des réalités technologiques ainsi que de celles liées à l’économie de l’armement et à l’exploitation, une telle coopération est indispensable. Une coopération internationale plus étroite offre en effet à l’armée de nouvelles possibilités, en particulier dans les domaines de l’instruction et de l’acquisition d’armements. Dans le cadre d’initiatives internationales, la Suisse pourrait par exemple acquérir ou maintenir la valeur de ses systèmes principaux, en collaboration avec des partenaires.
Cette variante du profil de capacités accorde la plus haute priorité aux capacités de défense contre une menace à distance. Elle est fortement marquée par les scénarios 2 (politique étatique de puissance avec menace à distance) et 3 (conduite d’un conflit hybride par une grande puissance).
Dans ce cas de figure, l’accent est mis sur la protection contre les menaces venues du ciel, les aéronefs sans équipage volant à basse altitude et, enfin, les missiles balistiques. Outre l’acquisition déjà en cours de nouveaux avions de combat et d’un système de défense sol-air de longue portée, une modernisation des moyens de protection de l’espace aérien inférieur et un développement des aptitudes dans l’espace aérien intermédiaire seraient également nécessaires.
Afin d’appuyer les autorités civiles dans le maintien de la sécurité intérieure, des investissements supplémentaires au profit du renseignement intégré seraient nécessaires. Des capteurs additionnels permettraient par exemple d’améliorer la surveillance de l’espace aérien, mais également l’identification précoce des menaces au sol, comme des attaques contre des infrastructures critiques ou des attentats.
Un renforcement accru des capacités serait aussi nécessaire pour ce qui est de l’efficacité au sol et de la logistique. Cela permettrait d’améliorer l’équipement des forces terrestres pour des engagements dans un contexte de conflits hybrides et de renforcer leur capacité à durer lors d’engagements de longue durée.
Les capacités du service sanitaire resteraient en revanche peu développées. Les prestations se limiteraient aux soins d’urgence et au transport de patients. La mobilité protégée au sol et la flotte des véhicules de combat pourraient même être fortement réduites. Étant donné que cette variante ne met aucun accent sur les attaques terrestres de grande envergure, il suffirait de maintenir la valeur des moyens restants, ceux de la mobilité aérienne compris. Les systèmes actuels ne seraient remplacés que partiellement et la capacité en matière de transport de matériel ou d’appui aux autorités civiles pourrait globalement être réduite.
Cette variante relative au profil de capacités est axée à la fois sur les conflits hybrides, sur les menaces à distance et, dans un cas extrême, sur une attaque militaire de grande envergure. Ces menaces pourraient parfaitement survenir simultanément ou se succéder rapidement et impliquer différents acteurs et moyens. Afin de pouvoir gérer une telle situation, l’armée devrait disposer d’un profil de capacités équilibré et ainsi renoncer à axer le développement de celles-ci sur un domaine précis. Cela signifie que, contrairement aux variantes 1 et 3, les différentes capacités seraient moins développées mais couvriraient une plus grande partie du profil de capacités.
Pour que l’armée puisse agir efficacement dans tous les secteurs, il faudrait disposer d’une image globale de la situation, permettant aux services de renseignement d’anticiper les menaces et les dangers. Afin d’obtenir les capacités visées au sein du renseignement intégré, l’éventail des capteurs devrait être élargi dans tous les espaces d’opération. La consolidation simultanée des systèmes de conduite permettrait d’améliorer la communication entre capteurs, commandements et systèmes d’impact, d’une part, et entre partenaires civils, d’autre part.
Un développement additionnel, déjà partiellement engagé, serait nécessaire pour améliorer les capacités dans les différents espaces d’opération. Dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, outre le développement du commandement Cyber et des centres de calcul du DDPS, des moyens d’action seraient également nécessaires à l’exploration des signaux de communication. Pour une plus large protection contre les menaces venues du ciel, l’armée devrait investir dans la protection de l’espace aérien inférieur et intermédiaire, en plus des acquisitions déjà mises en route dans le cadre du programme Air2030. Afin d’obtenir le résultat visé au sol, il faudrait aussi acquérir en plus des moyens planifiés pour obtenir un effet indirect à courte et à moyenne distance, des moyens pour de plus grandes distances ainsi que des missiles à même de neutraliser des cibles au sol. Il faudrait par ailleurs améliorer la capacité à durer des troupes, notamment en protégeant davantage les moyens logistiques et en procédant à un réapprovisionnement approprié en munitions et en carburants.
Dans les domaines du service sanitaire et de la mobilité, un maintien des capacités serait en principe suffisant pour que l’armée puisse réagir aux éventuelles menaces. Les flottes de véhicules non protégés, d’hélicoptères de transport et d’avions à voilure fixe seraient au besoin renouvelées, mais pas agrandies. S’agissant de la mobilité protégée, les capacités seraient temporairement réduites, car seule une partie des véhicules de combat devant être mis hors service – en particulier les chars de grenadiers M113 – se verraient remplacés. Des investissements majeurs dans ce secteur ne seraient prévus qu’après 2035.
Cette variante du profil de capacités accorde la plus haute des priorités aux capacités de défense nécessaires pour contrer une attaque militaire de grande envergure. Comme dans la variante 1, une longue phase de conflit hybride précéderait l’attaque armée proprement dite.
Dans cette variante, ce sont donc les scénarios 4 (défense contre une attaque militaire de grande envergure) et 3 (conduite d’un conflit hybride par une grande puissance) qui seraient déterminants pour le futur profil de capacités.
Dans ce cas de figure, le développement des capacités est axé sur la défense contre une attaque armée dans tous les espaces d’opération. L’accent est mis en priorité sur la protection de l’espace aérien supérieur. Des forces terrestres bien protégées et hautement mobiles, équipées de moyens robustes, sont tout aussi importantes.
Si l’armée devait intervenir en même temps dans tous les espaces d’opération, elle devrait coordonner les systèmes et moyens existants. À l’heure actuelle, la communication rapide et sûre entre les différents niveaux de conduite ne fonctionne toutefois que de manière rudimentaire. Il manque par ailleurs des capteurs qui permettraient d’établir une image consolidée de la situation. La plus grande lacune en matière de capacités de défense contre une attaque militaire de grande envergure se situerait donc dans le domaine de la conduite, de la mise en réseau et du renseignement intégré. Diverses mesures d’amélioration ont déjà été prises, comme l’uniformisation des systèmes de télécommunication ou encore le développement du Réseau de conduite suisse.
Pour parvenir à une capacité de défense robuste, l’armée aurait besoin de nouveaux moyens lui permettant d’atteindre des cibles sur toutes les distances. Comme dans la variante 2, elle devrait également disposer, en plus des moyens prévus ayant un effet indirect sur des distances courtes et moyennes, de moyens efficaces à longue distance ainsi que de missiles pour neutraliser des cibles au sol. Afin que l’armée puisse reconquérir le terrain perdu, ces moyens devraient être mobiles, protégés et performants. Pour améliorer la capacité à durer des troupes, les moyens logistiques devraient dans le même temps être protégés. Il faudrait aussi améliorer l’approvisionnement en munitions et en carburants. Dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, le développement se limiterait principalement aux mesures initiées avec le commandement Cyber et les centres de calcul du DDPS. Dans le domaine du service sanitaire, on assisterait à une légère croissance des capacités, grâce à l’amélioration des premiers soins et du transport de patients.
Le développement des capacités dans les secteurs concernés s’effectuerait avant tout aux dépens de la mobilité aérienne et de la mobilité non protégée au sol. Les aéronefs hors d’usage, par exemple les hélicoptères de transport de poids moyen, ne seraient que partiellement remplacés. La capacité à soutenir les forces terrestres s’en trouverait fortement réduite. Enfin, il y aurait une réduction de la flotte de véhicules non protégés, en partie compensée par des prestations civiles.
Les variantes 1 et 3 mettent clairement l’accent sur certains domaines de capacités; elles renoncent toutefois à des éléments importants et ne développent pas les capacités dans les domaines restants.
La variante 1, d’abord axée sur les menaces à distance, met l’accent sur la protection de tout l’espace aérien, en particulier celui proche du sol. En cas d’attaque terrestre, par contre, les forces terrestres bénéficieraient d’une protection plus limitée et auraient moins de moyens pour reconquérir le terrain perdu. Si la situation devait évoluer, et selon les circonstances, cette lacune de capacités ne pourrait pas être comblée dans un délai utile.
Dans la variante 2, l’armée pourrait fournir une prestation donnée dans tous les secteurs. Elle disposerait d’un large profil de capacités et n’aurait à déplorer aucun déficit majeur sur ce plan, sans pouvoir toutefois fournir une prestation au-dessus de la moyenne dans certains domaines. Un tel profil répond à l’objectif formulé dans le rapport sur la politique de sécurité 2021, consistant à orienter davantage l’armée sur les conflits hybrides. Il correspond par ailleurs aux conclusions tirées par le Conseil fédéral dans son rapport complémentaire de 2022, visant à combler plus rapidement les lacunes au niveau des capacités, à les maintenir globalement et à les renforcer pour se défendre contre une attaque armée.
La variante 3 met l’accent sur la défense contre une attaque militaire de grande envergure. En l’occurrence, les troupes engagées au sol seraient mieux protégées en cas d’attaque terrestre. L’armée acquerrait pour se défendre une variété de moyens plus robustes, mais aurait en revanche moins de facilité à atteindre des cibles aériennes. Dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, l’armée et les prestataires civils devraient également se contenter d’un effet plus limité.
Le Conseil fédéral est d’avis que l’armée doit se doter d’un profil de capacités large et équilibré; c’est en effet un tel profil qui est le plus adéquat pour garantir la protection de la Suisse contre les menaces et dangers prévisibles, même si des restrictions dans certains domaines de capacités y sont liées. La variante 2 constitue donc la meilleure base pour le profil en question, car elle est axée sur l’escalade d’un conflit, défense contre une attaque armée comprise, sans toutefois présenter de lacunes majeures en matière de capacités. Ce point est crucial, car tout acteur dans un conflit cherche immanquablement à cibler les lacunes au niveau des capacités ainsi que les vulnérabilités de l’adversaire.
La variante 2 permet de préparer l’armée, en tant que système global, aux principaux scénarios envisagés. Elle peut ainsi couvrir tout l’éventail de ses missions. Grâce à un profil équilibré, elle peut en outre compléter plus efficacement les autres instruments de politique de sécurité et améliorer leur capacité à durer. Un recentrage sur des capacités ciblées ne semble pas pertinent aux yeux du Conseil fédéral, surtout au vu de la situation sécuritaire actuelle; en effet, la Suisse ne serait ainsi suffisamment protégée que contre une partie des menaces possibles.
Le profil capacitaire requis pour assurer la capacité de défense de l’armée
L’armée a pour rôle de prévenir la guerre et de maintenir la paix. Elle doit assurer la protection du pays, de la population et des infrastructures critiques, préserver la souveraineté aérienne et être en mesure d’appuyer les autorités civiles. Elle fournit par ailleurs des prestations dans le cadre de la promotion militaire de la paix à l’échelle internationale. Selon le projet du Conseil fédéral du 29 septembre 2023 Stratégie de politique extérieure 2024‒2027, la Suisse développera encore ses contributions de qualité dans ce domaine. Afin de pouvoir s’acquitter de toutes ces tâches, un large profil de capacités axé sur les conflits hybrides, défense contre une possible attaque armée comprise, est nécessaire.
Afin d’améliorer les capacités en matière de conduite et de mise en réseau, il s’agit de développer les centres de calcul du DDPS et le Réseau de conduite suisse. Il faut par ailleurs uniformiser et élargir les systèmes d’information et de télécommunication, très hétérogènes, afin d’optimiser l’échange de données, qui doit être rapide, sécurisé et mobile; de même, la conduite coordonnée des actions ainsi que la communication avec les autorités civiles doivent être perfectionnées.
Pour le développement de ces capacités, il faut, outre des investissements additionnels dans les centres de calcul et les télécommunications de l’armée, aussi investir dans un nouveau système de conduite et d’information ainsi que dans de nouveaux véhicules de commandement protégés s’appuyant sur une plateforme de support uniformisée.
Afin d’améliorer les capacités du renseignement intégré, il faut augmenter le nombre et la qualité des moyens d’exploration dans tous les espaces d’opération. Cela permettra de combler les lacunes de capacités au niveau de la recherche de renseignements dans tous les espaces d’opération et de consolider l’image de la situation.
Pour développer ces capacités, il faut non seulement maintenir la valeur des capteurs existants et en installer de nouveaux mais aussi et surtout investir, notamment dans un radar passif, dans un radar semi-stationnaire à courte et longue portée, dans des mini-drones ainsi que dans des systèmes d’exploration des signaux. L’armée examine par ailleurs comment elle pourra davantage utiliser l’espace exo-atmosphérique pour la recherche de renseignements et la communication.
Afin d’améliorer l’effet contre des cibles aériennes, des investissements sont aussi planifiés dans la défense sol-air à courte et à moyenne portée, en plus des acquisitions déjà initiées dans le cadre du programme Air2030, comme prévu dans le rapport Avenir de la défense aérienne. Il sera ainsi possible de lutter plus efficacement contre les missiles de croisière, les drones armés et les avions de combat dans l’espace aérien inférieur et intermédiaire.
Pour mettre en place cette nouvelle orientation des capacités, l’armée doit investir dans le renouvellement des systèmes de défense contre avions à courte portée, qui ont une efficacité limitée et sont en partie obsolètes.
Afin d’améliorer l’effet contre des cibles au sol, il faut investir dans la modernisation de l’artillerie et dans le maintien des capacités de la défense antichars. Ces acquisitions permettront d’optimiser l’appui de feu indirect sur de moyennes et longues distances et rendront à nouveau possible la lutte contre des cibles blindées mobiles.
Pour développer ces capacités, des investissements sont nécessaires dans un nouveau système d’artillerie à roues, doté d’un dispositif de feu d’appui précis pouvant aller jusqu’à 50 kilomètres, destiné à remplacer l’obusier blindé M-109, vieux de plus de 50 ans. Afin que l’armée puisse également être efficace dans un environnement disputé, il est prévu de soumettre le char Leopard 87 WE à un programme de maintien de la valeur, comme cela est décrit dans le rapport Avenir des forces terrestres. Il faut par ailleurs acquérir un missile sol-sol pour la défense antichars, qui puisse être engagé aussi en l’absence de véhicule. Afin d’améliorer la capacité à durer, il faut avoir un réapprovisionnement suffisant en munitions pour ces systèmes d’impact.
Afin d’améliorer l’effet dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, il faut, outre la mise en place du commandement Cyber et le développement des centres de calculs du DDPS, des mesures portant plus spécialement sur la protection des systèmes d’information et de télécommunication ainsi que des moyens d’action pour l’exploration des signaux de communication. Cela permettra à l’armée d’améliorer la résilience de ses propres systèmes ainsi que la défense contre les cyberattaques visant des infrastructures militaires ou civiles. Ces mesures constituent dans le même temps la condition préalable nécessaire à la digitalisation de la troupe à tous les échelons, comme prévu dans la Conception générale cyber.
En plus de la consolidation du commandement Cyber sur le plan de l’infrastructure et du personnel, le développement de ces capacités demande des investissements dans les capteurs et effecteurs utilisés pour l’exploration (et la perturbation) des signaux de communication.
Afin d’optimiser les capacités de la logistique, il est prévu d’améliorer la protection des moyens propres de l’armée et son autonomie en matière d’approvisionnement. Le stockage de munitions et de carburants sera en outre adapté en fonction des scénarios de menace possibles. L’armée pourra ainsi bénéficier d’un approvisionnement propre à améliorer la capacité à durer de ses troupes en cas d’engagements de longue durée.
Pour le développement de ces capacités, des investissements sont nécessaires dans la consolidation des moyens logistiques décentralisés et protégés, dans des systèmes de production électrique ainsi que dans des munitions et de nouveaux types de munitions.
Afin de maintenir les capacités du service sanitaire au niveau actuel, les postes de secours sanitaires mobiles et une partie des véhicules sanitaires doivent être remplacés. L’armée pourra ainsi au moins garantir les soins d’urgence préhospitaliers ainsi que le transport protégé des patients. L’approvisionnement sanitaire continuera toutefois à dépendre fortement des prestations des services de santé et des services vétérinaires civils.
Pour maintenir ces capacités, des investissements dans du matériel sanitaire et des véhicules légers sont nécessaires.
Il est prévu de maintenir les capacités dans le domaine de la mobilité non protégée au sol au niveau actuel. Pour ce faire, il faut renouveler, sans l’agrandir, la flotte des véhicules non protégés selon les besoins. L’armée pourra ainsi poursuivre les engagements d’approvisionnement et d’appui nécessaires, en Suisse et à l’étranger. Il sera aussi possible de diminuer l’engagement de ses propres ressources en recourant à des prestataires civils.
Pour maintenir ses capacités, l’armée doit investir en permanence dans le renouvellement des véhicules de tourisme, des véhicules de livraison et des camions.
Afin de maintenir à un niveau acceptable la capacité dans le domaine de la mobilité protégée au sol, il faut prolonger la durée d’utilisation des véhicules de combat actuels qui, pour la plupart, ont plus de 30 ans. Une partie d’entre eux ne se prête plus que partiellement aux engagements en terrain bâti.
Des investissements sont nécessaires à la fois pour prolonger la durée d’utilisation et pour remplacer des véhicules. Dans ce contexte, il est prévu de remplacer progressivement les véhicules à chenilles par des véhicules à roues. Le nombre de systèmes qui seront mis hors service, notamment les quelque 300 chars de grenadiers M113, ne peut toutefois pas être intégralement compensé par de nouvelles acquisitions. Étant donné que des investissements conséquents dans la mobilité protégée ne sont possibles qu’après 2035, l’armée doit provisoirement faire avec un niveau de capacités réduit.
Afin de maintenir au niveau actuel les capacités dans le domaine de la mobilité aérienne, il faut renouveler, sans l’agrandir, la flotte d’hélicoptères de transport et d’avions à voilure fixe. L’armée pourra ainsi continuer, dans la même mesure que jusqu’ici, à effectuer des transports aéroportés de personnes et de matériel ainsi que des opérations de recherche et de sauvetage.
Pour maintenir les capacités, il faut avant tout investir dans le remplacement des hélicoptères de transport mi-lourds Super Puma et Cougar. Des possibilités de coopération sont en parallèle examinées dans le domaine de la mobilité aérienne stratégique.
Le développement capacitaire requis pour l’armée
Si l’on compare le profil de capacités de l’armée actuel avec celui de la variante 2, privilégiée par le Conseil fédéral, il y a aujourd’hui des lacunes notamment dans les domaines de la conduite et de la mise en réseau ainsi que du renseignement intégré et des capteurs. C’est également le cas en ce qui concerne les capacités requises pour produire un effet au sol, dans les airs ainsi que dans le cyberespace et l’espace électromagnétique. Afin de combler ces lacunes, les actions ci-après sont particulièrement nécessaires.
À court terme, il faut améliorer la capacité de conduite de l’armée, en mettant en œuvre intégralement les projets en cours (centres de calcul du DDPS, Réseau de conduite suisse, télécommunication de l’armée). Il faut par ailleurs acquérir un nouveau système de conduite et d’information, tout comme des véhicules de commandement protégés. Les demandes concernant deux petites tranches d’acquisition de ces véhicules pourront être présentées d’ici la fin des années 2020, une demande concernant une autre tranche plus importante suivra ultérieurement.
Le renseignement intégré doit de son côté être renforcé en élargissant l’éventail de capteurs, ce qui sert avant tout à la surveillance de l’espace aérien. D’autres moyens de défense sol-air sont par ailleurs nécessaires pour se protéger contre les menaces venues du ciel. Il est notamment prévu de soumettre au Parlement une demande pour le développement des capacités de défense contre des cibles à moyenne distance à la fin des années 2020. Le renouvellement des moyens de défense sol-air à courte distance est pour sa part prévu dans les années 2030.
Il est prévu de renforcer l’effet au sol grâce à l’acquisition d’un nouveau système d’artillerie à roues et d’un missile sol-sol, alors que le char de combat Leopard sera une nouvelle fois soumis à un programme de maintien de la valeur. Afin d’améliorer la capacité à durer au sol et dans les airs, des acquisitions complémentaires de munitions sont nécessaires.
Dans le cyberespace et l’espace électromagnétique, l’accent est placé sur le développement du commandement Cyber ainsi que sur la guerre électronique. Dans les autres domaines, il s’agira de maintenir les capacités actuelles, par exemple en préservant la valeur de l’hélicoptère léger de transport et d’entraînement et en modernisant les postes de secours sanitaires mobiles.
À moyen terme, des investissements sont nécessaires dans la logistique et dans la mobilité aérienne. Dans la logistique, il faudra par exemple bientôt remplacer des machines de chantier et des systèmes de ravitaillement en carburant. En revanche, le remplacement prévu de camions et de remorques peut être repoussé à plus tard. Afin de maintenir la mobilité aérienne au niveau actuel, la flotte des hélicoptères de transport mi-lourds devra être renouvelée dès le début des années 2030.
D’autres investissements doivent être effectués à moyen terme au profit des forces terrestres. Il s’agit d’une part de maintenir la capacité d’action directe, pour laquelle des véhicules protégés équipés de missiles antichars intégrés pourront être utilisés, et, d’autre part, d’étendre la capacité d’action indirecte, au moyen de lance-roquettes.
À long terme, des investissements sont nécessaires dans la mobilité non protégée et protégée ainsi que dans la capacité à durer. Pour la plus grande partie, ces investissements ne seront effectués que dans la seconde moitié des années 2030 et n’auront donc une influence sur le niveau de capacités qu’à partir de ce moment-là. Enfin, dès 2035, il faudra remplacer de nombreux systèmes au sol arrivés à la fin de leur durée d’utilisation dans les années 2020, mais dont la mise hors service a été reportée.
En Suisse, les grands projets d’armement durent entre sept et douze ans. Si un conflit devait s’annoncer, de tels délais d’acquisition seraient toutefois trop longs pour que l’armée puisse se moderniser à temps et ainsi se doter de la capacité de défense requise. L’armée a donc esquissé une stratégie permettant de moderniser les troupes en continu, notamment les forces terrestres. Elle prévoit une modernisation par étapes restreintes, seules certaines formations étant équipées de nouveau matériel. Les avantages par rapport à un déploiement à l’échelle de l’armée sont que le matériel est toujours à la pointe de la technologie, qu’il répond aux besoins militaires actuels et que les lacunes en matière d’équipement sont comblées. Les nouveaux systèmes permettent par ailleurs de faire des expériences pouvant profiter aux futurs projets d’acquisition. Cette évolution adaptative va certes placer l’armée au-devant de certains défis, en particulier dans les domaines de la formation, de la conduite en réseau et de la logistique. Elle permettra toutefois à l’armée de renforcer plus rapidement sa capacité de défense, et ce malgré les longs délais d’acquisition.
Une autre voie permettant de renforcer la capacité de défense consiste à développer la coopération internationale, comme le recommande le Conseil fédéral dans le rapport complémentaire au rapport sur la politique de sécurité 2021. Cette possibilité offerte dans le cadre d’initiatives de coopération multilatérales permet de développer des capacités militaires communes. Les États impliqués peuvent dans ce cadre, sur une base volontaire, échanger leur savoir-faire respectif ou tester des normes, pour déterminer comment favoriser l’interopérabilité des forces armées. Une telle collaboration, si elle est pertinente dans certains secteurs, est indispensable dans d’autres. Concernant en particulier les systèmes dotés d’une technologie avancée, comme le nouvel avion de combat polyvalent F-35A, le potentiel peut être exploité uniquement en participant à des groupes d’utilisateurs et de travail multinationaux. Les initiatives de coopération peuvent toutefois aussi être utiles en lien avec les acquisitions d’armement, vu que l’instruction, la maintenance et la logistique sont ainsi gérées de manière plus efficiente. L’armée suit cette voie depuis des années avec succès pour différents systèmes d’armes. C’est le même objectif qu’elle poursuit en participant au projet European Sky Shield Initiative, conçu en vue de la mise en place d’un système européen de défense aérienne.
Outre la participation à de telles initiatives, une collaboration internationale renforcée dans la recherche et le développement ainsi que dans l’instruction est envisagée. À l’avenir, il faudrait ainsi par exemple, quand cela est possible, que certaines parties des forces terrestres puissent s’entraîner avec des forces armées étrangères, comme le font les Forces aériennes depuis longtemps déjà. L’armée pourra ainsi profiter des expériences de certains partenaires et apporter des contributions qui permettront d’intensifier la coopération internationale.
Message sur l’armée 2024 : accroître l’efficacité et la protection dans le cyberespace
Dans le message sur l’armée 2024, le Conseil fédéral soumettra pour la première fois au Parlement un arrêté fédéral définissant les valeurs de référence du concept qui régira l’orientation de l’armée au cours des douze prochaines années. Les capacités dans le domaine de l’effet dans le cyberespace et l’espace électromagnétique doivent être renforcées grâce à une efficacité et à une protection accrues des systèmes d’information et de communication.
29 février 2024
Message sur l’armée 2024 : améliorer la recherche de renseignements et permettre d’établir une meilleure image de la situation
Dans le message sur l’armée 2024, le Conseil fédéral soumet pour la première fois au Parlement les valeurs-cibles qui détermineront l’orientation stratégique de l’armée pour les douze prochaines années. Il est prévu de renforcer les capacités dans le domaine du renseignement intégré et des capteurs en améliorant les moyens nécessaires à la recherche de renseignements et à l’établissement de l’image de la situation dans tous les espaces d’opération.
29 février 2024
Message sur l’armée 2024 : assurer un échange de données plus rapide et plus sûr
Selon le message sur l’armée 2024, il est nécessaire, pendant ces douze prochaines années, de renforcer les capacités dans le domaine de la conduite et de la mise en réseau grâce à un échange de données plus rapide et plus sûr entre les différents niveaux de conduite et avec les autorités civiles.
13 mars 2024
Message sur l’armée 2024 : donner plus de poids à la défense contre une attaque militaire
Le Conseil fédéral soumet pour la première fois au Parlement, dans le message sur l’armée 2024, les valeurs-cibles pour l’orientation stratégique de l’armée au cours des douze prochaines années. Il s’agit d’axer les capacités dans le domaine « Effet contre des cibles au sol » sur un contexte de conflits hybrides, en donnant toutefois plus de poids que par le passé à la défense contre une attaque militaire.
5 mars 2024
Message sur l’armée 2024 : renouveler la protection de l’espace aérien inférieur et intermédiaire
Dans son message sur l’armée 2024, le Conseil fédéral présente pour la première fois au Parlement les valeurs-cibles qui détermineront l’orientation de l’armée pour ces douze prochaines années. Les capacités dans le domaine de l’effet contre des cibles aériennes doivent être complétées en renouvelant les moyens de protection de l’espace aérien inférieur et intermédiaire.