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InformationsPublié le 16 avril 2024

Quand la confiance vient à manquer – situation détériorée et ses conséquences

Que ce soit au Proche-Orient, au Kosovo, en République démocratique du Congo ou au Soudan, nous constatons actuellement une détérioration de la situation dans de nombreuses zones de mission. Afin de protéger nos peacekeepers de manière optimale, nous suivons la situation dans les secteurs d'engagement au centre de compétences SWISSINT tandis que le centre de formation SWISSINT intègre les éventuelles conséquences dans les cours de formation.

En République démocratique du Congo, les protestations toujours plus enflammées contre la MONUSCO témoignent de la défiance de la population envers cette mission.

Les causes de détérioration de la situation dans de nombreuses secteurs d’engagement sont multiples. Pour une part, au retour des rapports de force et à l’émergence de nouveaux blocs. Avant la guerre en Ukraine, la communauté mondiale pouvait s’accorder sur un système de valeurs et, partant, stabiliser un conflit. Aujourd’hui, des systèmes de valeurs différents se font activement concurrence dans des zones en conflit. Cette détérioration est aussi provoquée par des acteurs régionaux ou locaux qui tirent profit de l’implication des États-Unis et de la Russie dans d’autres conflits. Et enfin, elle résulte de la perte de confiance dans les diverses missions dans la mesure où celles-ci ne disposent pas de ressources suffisantes pour pouvoir remplir correctement leur mandat.

Nous nous dirigeons à grand pas vers un nouveau tournant dans la promotion de la paix. Nul ne peut dire encore si nous pourrons surmonter les faiblesses décelées dans les opérations multidimensionnelles ou si nous reviendrons à des mandats réduits comme pendant la guerre froide, même si, selon toute probabilité, c’est cette dernière hypothèse qui devrait s’imposer. Mais il est une constante qui détermine – et qui déterminera toujours – le succès d’une mission : la confiance. Car comme l’écrit le secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres : « La confiance est le pilier de la sécurité collective. Sans elle, les États laissent libre cours à leur instinct primaire qui consiste à assurer eux-mêmes leur sécurité, entraînant dès lors une insécurité croissante pour tous. » 1

Une exécution compliquée du mandat

Ce manque de confiance croît également envers l’ONU et ses missions ; en effet, certains gouvernements entravent sciemment les travaux de telle ou telle mission : ainsi, à la MINUSMA, le désengagement réclamé était activement sapé ; à l’UNMOGIP, les visas exigés pour les peacekeepers ne sont délivrés qu’après de longs atermoiements, voire pas du tout ; à la MINUSS et à la MINURSO, tout est fait pour empêcher l’introduction de pièces d’équipement, comme des téléphones satellites.

Sur le continent africain en particulier, mais aujourd’hui aussi dans le conflit entre Israël et le Hamas, nous constatons un accroissement des campagnes d’information, ce qui nous complique l’open source intelligence (OSINT). Nous voyons également une interdépendance de plus en plus grande entre les zones dévolues aux missions et les États frontaliers, ce qui nous contraint de porter aussi notre attention sur les pays voisins. Le secrétaire général de l’ONU a également observé cette interdépendance accrue dès lors que « même les frontières les mieux gardées ne peuvent arrêter les effets du réchauffement climatique, les activités des terroristes ou des groupes criminels, ou encore la propagation de virus létaux. Les menaces transnationales se renforcent mutuellement, à tel point qu’un État seul n’a plus les capacités nécessaires pour les maîtriser. » 2

Les effets de la situation sur les peacekeepers

Et comment assurons-nous la sécurité de nos peacekeepers dans cet environnement en pleine mutation ? SWISSINT, à travers l’état-major de son Centre de compétences, suit de près la situation dans leurs secteurs d’engagement et son Centre d’instruction (CI) en tire les conséquences pour son programme didactique. Le CI, en plus de sa participation aux rapports de situation bihebdomadaires, est aussi présent lors des débriefings des peacekeepers revenant en Suisse. Les mesures préconisées par ceux-ci sont aussi prises en compte dans le programme d’instruction. Jusqu’à présent, aucun grand changement n’a dû être entrepris dans le cours suisse certifié par l’ONU pour observateurs militaires (SUNMOC), mais les scenarii des exercices de chaque cours ont été modifiés, l’instruction sanitaire a été intensifiée et les militaires de retour de mission – qui ont vécu de près le changement de situation – ont été intégrés dans le processus de formation.

La confiance est essentielle

La détérioration de la situation a aussi amené à revoir les planifications prévisionnelles et les concepts d’évacuation pour chaque mission, sur la base des expériences tirées des événements de 2022 à Goma (République démocratique du Congo) et de 2023 à Khartoum (Soudan). Nous pouvons dès lors assurer que l’Armée suisse continuera d’apporter sa contribution à la promotion de la paix, que le secrétaire général de l’ONU considère depuis toujours comme essentielle pour réinstaurer la confiance entre les États. Mais, pour cela, il faut d’abord que la confiance dans les missions, et dans l’ONU elle-même, soit établie. « L’impartialité en est la condition fondamentale, et celle-ci ne peut être obtenue que si les États membres de l’organisation respectent le caractère international de son secrétariat et n’essaient pas de l’influencer. L’impartialité est la plus belle qualité du secrétariat [et des missions] et elle doit être défendue par tous les moyens. » 3

1 Our Common Agenda Policy Brief 9: A New Agenda for Peace, United Nations, July 2023, page 8
2 Ibid., page 4
3 Ibid., page 14