La première mission de promotion de la paix de l’ONU et ses défis
L’ONU a créé pour la première fois une mission de promotion de la paix en 1948 au Proche-Orient. Depuis, des observateurs et observatrices militaires s’y relaient. Comme la situation sécuritaire a également évolué dans cette région, l’ONU examine plusieurs options pour adapter la mission aux nouveaux défis.

Texte : divisionnaire Patrick Gauchat, chef de mission de l’UNTSO à Jérusalem (écrit en octobre 2024)
Le mandat de l’Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST, en anglais United Nations truce supervision organization ou UNTSO) concerne directement les lignes de cessez-le-feu et les accords d’armistice passés entre le Liban, la Syrie, Israël, la Jordanie et l’Égypte. Les tâches de l’UNTSO consistent à maintenir un dialogue régional avec ces pays et à exercer une surveillance au moyen d’observations, de rapports, de patrouilles, d’enquêtes sur des incidents, d’inspections et de collaborations au niveau tactique militaire. Les zones concernées sont essentiellement le Golan, le sud du Liban et le Sinaï. En cas de nouveau conflit, localisé ou global, ou d’augmentation du nombre d’actes terroristes au Proche-Orient, la mission doit être en mesure de montrer son professionnalisme, son efficacité et sa faculté d’adaptation, en procédant à des analyses en temps réel et en préparant des mesures pertinentes.
Au cours de ses 75 ans d’existence, l’UNTSO a plusieurs fois faire ses preuves, encore récemment vu la situation au Liban. Le cessez-le-feu n’est plus respecté depuis septembre 2024, on peut même parler d’état de guerre. Même si la présence de l’UNTSO reste souhaitée et utile, le déroulement des opérations est obéré par la guerre au Proche-Orient et les défis qui en résultent pour la sécurité. Nous devons limiter nos déplacements pour garantir la sécurité des observateurs et observatrices, et aussi celle du personnel civil.
De nouveaux conflits dans la zone d’engagement
En plus de la dégradation de la situation et de ses effets sur le mandat, la mission doit relever d’autres défis, qui font l’objet d’une discussion avec le Conseil de sécurité de l’ONU. Il est question du développement des missions de promotion de la paix, et notamment de l’externalisation de prestations militaires. Le recours à des prestations tierces ou externes a déjà été testé dans le cadre de l’Union africaine, notamment en Somalie. La zone couverte par l’UNTSO est aux prises avec de nouvelles guerres, comme à Gaza depuis 2023. L’ONU envisage trois options : 1) une mission de l’OTAN conduite par les États-Unis, 2) une coalition arabe conduite par la Ligue arabe, 3) une nouvelle mission de l’ONU ou une extension de l’UNTSO vers Gaza. J’ai moi-même informé le conseil par deux fois cette année de la situation au Proche-Orient et des possibilités offertes.
Convaincre les pays concernés en accomplissant la mission
Pour ce qui est des chances et des risques, il faut distinguer le niveau politique et le niveau opérationnel. D’un point de vue politique, les pays concernés doivent être convaincus que l’UNTSO accomplit son mandat selon leurs attentes, afin de favoriser le travail de notre personnel sur place et de justifier l’appui logistique et administratif de la mission. Leur approbation et les échos positifs qu’ils transmettent au quartier général de l’ONU ont des effets positifs sur les décisions politiques et budgétaires prises à New York. Une évaluation négative entraîne une réduction des moyens. Quant au plan opérationnel, l’UNTSO doit convaincre ces pays d’admettre l’utilisation étendue de moyens relevant de la technologie de pointe. La plupart des incidents se produisant la nuit, il faut recourir à des appareils de vision nocturne pour leur relevé, afin d’améliorer la qualité des rapports établis à l’intention des parties et du Conseil de sécurité, et de parvenir à empêcher ces incidents.
La neutralité de la mission est capitale
Les plus grands défis sont bien sûr le cadre politique, précaire et en mutation permanente, et la guerre menée dans la région. Il faut pouvoir réagir à la situation sur place et, au milieu du chaos, se faire une idée claire des possibilités. En cherchant et en saisissant toute chance de réagir rapidement pour accomplir son mandat, l’UNTSO peut démontrer sa valeur. Sans quoi la mission pourrait être attaquée par l’une des parties pour mettre un terme à sa présence dans la région. Le Proche-Orient est une région complexe, qui a déjà fait l’objet de bien des missions de l’ONU. L’UNTSO doit donc impérativement montrer une image positive afin d’être bien acceptée par tous les pays dans la région.
Si la mission parvient à accomplir ses tâches dans un environnement instable, elle gagnera en pertinence. Les solides relations qu’elle a nouées avec les cinq capitales du Proche-Orient lui permettent d’obtenir un appui pour les mesures prises par l’UNTSO dans ces cinq pays. L’avantage le plus important est de garantir un statut neutre par l’engagement d’observateurs et d’observatrices militaires. Leur professionnalisme doit être irréprochable, ce que nous obtenons par une excellente formation tant avant que pendant l’engagement, ainsi que par une technologie et des moyens de communication dernier cri.
Note de la rédaction : le divisionnaire Patrick Gauchat a repris la fonction de chef ad interim de la United Nations Disengagement Observer Force (UNDOF) en plus de sa fonction de chef de l'ONUST. Cliquez ici pour lire le communiqué de presse.
