L’armée renforce ses capacités dans l’espace orbital
L’Armée suisse prend de la hauteur : à partir de 2026, elle renforcera ses capacités dans l’espace orbital et inaugurera un centre de compétences. Il s’agit d’améliorer l’exploration, la communication et la protection depuis l’espace. Mais pourquoi cette mesure ne concerne-t-elle pas seulement le domaine militaire, mais aussi la vie quotidienne ? Et comment l’armée s’y prend-elle ?
L’aggravation des tensions et des conflits dans le monde accroît l’importance de l’espace orbital pour la politique de sécurité. La concurrence effrénée pour utiliser cet espace à des fins commerciales et militaires révèle aussi à quel point il est fondamental. Aujourd’hui, les engagements militaires et l’espace orbital vont forcément de pair : celui-ci est désormais un pilier essentiel des conflits modernes et permet déjà de fournir de nombreux services au quotidien.
Conformité avec la politique fédérale et les rapports de base
La conception générale pour l’espace orbital concrétise et décrit le niveau de prestations visé pour chaque capacité sectorielle. Elle définit en outre les bases de la doctrine pour utiliser des capacités dans l’espace orbital, et indique comment atteindre le niveau en question.
Les capacités visées dans l’espace orbital peuvent être résumées comme suit.
Image de la situation : savoir ce qui se passe ou ce qui pourrait se passer dans l’espace orbital, savoir quand et avec quelle efficacité l’armée peut être observée et écoutée depuis l’espace orbital.
Observation de la Terre : effectuer des missions de reconnaissance, d’exploration et de surveillance depuis l’espace orbital, identifier les changements survenus et transmettre rapidement des informations à la troupe.
Télécommunications : garantir des télécommunications complémentaires, redondantes et résilientes, assurer des liaisons décentralisées, hautement sécurisées et constantes au sein de la troupe.
Navigation de précision : vérifier en permanence la qualité et la quantité de données de géolocalisation à destination de la troupe, s’assurer de l’exactitude des données pour l’engagement des moyens militaires.
Contre-mesures : protéger la troupe contre l’exploration en orbite, protéger nos propres systèmes dans l’espace orbital, brouiller et entraver les systèmes adverses liés à l’espace orbital.
Nouveau centre de compétences Espace
Pour mettre en œuvre la conception générale, un centre de compétences Espace sera créé le 1er janvier 2026. Dirigé principalement comme une organisation de milice, il sera intégré aux Forces aériennes au sein du commandement des Opérations. Ce nouveau centre veillera à concevoir des capacités, à les développer, à les enseigner et à les utiliser.
FAQ sur la conception générale de l'espace orbital
L’espace orbital est devenu aujourd’hui une composante essentielle de l’aptitude à défendre un pays. Comme mentionné dans le document « Renforcer la capacité de défense » en août 2023, presque tous les systèmes militaires complexes de positionnement, de synchronisation temporelle, de communication, de reconnaissance ou de prévisions météorologiques dépendent des satellites et de leurs services. C’est la raison pour laquelle dès 2018, parmi les 40 capacités opérationnelles faisant partie du développement de l’armée à moyen et à long terme, 5 ont été consacrées au domaine spatial, et donc entièrement intégrées à l’ensemble.
Les premières activités portant sur une prise en compte générale de l’espace orbital à des fins militaires ont été déclenchées en 2015, et une première structure – avant tout de milice – a été créée en 2017. Un document de base très détaillé a été élaboré en 2020, ce qui a mené à une phase initiale de recherche et développement, comprenant des études, des démonstrateurs et des prototypes servant de bases de décision. Le recrutement et l’instruction de personnel spécialisé ont été introduits en parallèle, en tant que fondement pour de premières activités opérationnelles.
Non, les projets de l’armée ont avant tout une dimension duale, avec une utilisation à la fois militaire et civile. La plupart des produits et services nécessaires pour les opérations militaires fournissent également des appuis très utiles pour les organisations civiles du pays, au niveau fédéral, cantonal et communal. Ces produits et services peuvent également jouer un rôle important dans le cadre d’activités économiques et académiques, ce qui génère un potentiel de coopération très important dans un cadre à la fois public et privé.
L’approche retenue depuis 2020 porte sur le partenariat national, c’est-à-dire sur l’exploitation des compétences et des aptitudes disponibles en Suisse au sein des Hautes écoles et de l’industrie, avec de garantir la souveraineté nécessaire pour la mission de défense du pays. Cette approche a été concrétisée par le développement d’un écosystème combinant les compétences spatiales avec les besoins sécuritaires. Elle a également abouti au lancement de projets permettant de répondre aux attentes de l’armée, mais aussi de fournir des perspectives favorables sur le plan commercial comme scientifique.
Elle joue un rôle très important, car aucune nation ne dispose aujourd’hui de capacités suffisantes dans le domaine spatial, de sorte que le cumul des capacités et l’échange de services se sont fortement développés ces dernières années, de façon bilatérale comme multilatérale. L’armée a donc l’intention de coopérer étroitement avec plusieurs nations et organisations internationales afin d’accélérer le développement de ses capacités. On peut citer en particulier une coopération avec l’agence spatiale européenne (ESA) via la division des affaires spatiales de Secrétariat d’État la Formation, à la Recherche et à l’Innovation (SEFRI), qui fait partie des projets portés par la Suisse à la prochaine réunion du Conseil de l’ESA au niveau ministériel en novembre 2025.
Les centres de compétences sont une réponse structurelle adoptée par l’armée depuis plus de 20 ans et qui ont fait leurs preuves pour rassembler sous un seul toit les aspects spécifiques d’une fonction ou d’une mission militaire. Le centre de compétences espace, créé au 1er avril avec son noyau professionnel dans le cadre des Forces aériennes et officiellement introduit dans les structures de l’armée au 1er janvier 2026, relève d’une logique similaire. Il assurera la responsabilité de la conception, du développement, de l’instruction et de l’emploi des capacités opérationnelles de l’armée dans le domaine spatial.
Au niveau du personnel, le centre de compétences espace comptera au 1er janvier 2026 un effectif théorique de 222 cadres et spécialistes de milice, qui doit donc faire l’objet d’une alimentation ; à ce jour, environ deux tiers de l’effectif sont déjà disponibles, grâce aux activités préparatoires menées ces 10 dernières années. Un petit noyau professionnel assure en permanence la conduite du personnel de milice ainsi que les tâches les plus exigeantes. Au niveau des finances, un plafond de 850 millions de francs sur 12 ans a été défini, recouvrant les coûts d’investissement comme d’exploitation, dans le cadre du budget ordinaire de l’armée. Les budgets de développement ont été approuvés par le Parlement en 2024 dans le cadre du message sur l’armée. Le premier budget pour les acquisitions devrait faire partie du programme d’armement 26.
Oui, il est désormais possible pour n’importe quel jeune homme ou n’importe quelle jeune femme d’être candidat pour devenir spécialiste espace. Le modèle de service reprend celui des spécialistes cyber et s’inscrit dans une formation de 38 semaines, suivies de cours de répétition annuels. L’armée recherche des profils assez spécifiques, et donc une sélection a lieu durant les premières semaines des écoles de recrues, avec une centralisation à Payerne. Il est possible de s’annoncer comme candidat dès le recrutement, ce qui permet de commencer l’école de recrues à Payerne, mais il est aussi possible de s’annoncer à partir de n’importe quelle autre école de recrues. La sélection s’échelonne ensuite sur quelque 12 semaines, et les spécialistes sont ensuite incorporés dans l’une des trois compagnies du centre de compétences espace.
Les spécialistes espace et leurs cadres sont appelés à assumer des fonctions dans deux domaines : en matière de développement logiciel, car l’armée développe depuis des années ses propres outils pour le suivi de la situation dans l’espace, ainsi qu’en matière de pilotage des systèmes terrestres et spatiaux, car l’autonomie dans l’emploi des capacités opérationnelles passe par l’exploitation indépendante de satellites et de stations terrestres propres. Ces fonctions exigent une formation de haute qualité, constamment adaptée en fonction des enseignements et des besoins,
L’armée a développé depuis plusieurs années des capacités très poussées en matière de suivi de situation, ce qui lui permet de fournir des prestations concrètes pour l’autoprotection des formations militaire, tout particulièrement en ce qui concerne le survol de satellites et donc les risques d’être observés ou écoutés depuis l’espace. En ce qui concerne les autres capacités opérationnelles visées, et notamment en matière d’observation de la Terre comme de télécommunications, il faudra attendre l’approbation politique des investissements nécessaires pour l’acquisition de systèmes qui font actuellement l’objet d’activités de développement. Des prestations concrètes peuvent donc être attendues à partir de 2027-2028 en la matière.