Les écoles de recrues mixtes ont 30 ans
La première école de recrues mixte débutait il y a exactement 30 ans. Certes, les femmes servaient dans l’armée depuis plus de 80 ans déjà. D’abord dans le cadre du Service complémentaire féminin (SCF), puis, à partir de 1985, dans le cadre du Service féminin de l’armée (SFA) et, depuis 1995, au même titre que les hommes. Mais, le fait qu’elles suivent avec les hommes une instruction militaire commune a toutefois constitué une étape importante pour leur inclusion dans l’armée. Faisons un voyage dans le temps en compagnie de quatre femmes.
01.03.2023 | Communication Défense, Nicole Anliker

« Dotée d’un bon esprit d’équipe, vous êtes majeure, sportive et possédez un passeport suisse. Vous savez ce que vous voulez et avez envie de nouveauté. Si vous êtes prête à investir dans votre avenir tout en vous engageant au service de votre pays, alors saisissez cette chance et accomplissez un service militaire ! ». C’est avec la campagne d’information « La sécurité est aussi une affaire de femmes » que l’Armée suisse promeut actuellement le recrutement des femmes. Il est aujourd’hui inimaginable que les femmes soient formées séparément. Effectuer l’école de recrues ensemble de A à Z, telle était la vision de Madame le brigadier Eugénie Pollak. Dans les années 1990, elle a largement contribué à l’intégration des femmes dans l’armée.
Devancière des « Femmes dans l’armée »
Eugénie Pollak a été confrontée très tôt à la question de l’égalité des droits. Sa mère et sa grand-mère s’étaient déjà engagées dans le Service complémentaire féminin (SCF) de l’armée et avaient lutté avec véhémence pour le droit de vote des femmes. La Bernoise en vient rapidement à penser qu’une femme qui a les mêmes droits doit aussi assumer les mêmes devoirs. Pour elle, c’est une raison de s’engager dans l’armée. Elle suit les écoles de recrues, de sous-officiers et d’officiers ainsi que des stages de formation supérieurs. À partir de 1989, elle dirige ensuite pendant dix ans le Service féminin de l’armée (SFA) avec le grade de brigadier. « Les difficultés qui sont apparues pendant mon service ou plus tard en tant que cheffe des femmes dans l’armée n’étaient pas spécifiques à l’armée, mais à la politique sociale ; elles le sont malheureusement restées », résume Eugénie Pollak.
L’intégration totale des femmes dans l’armée ne lui a pas valu que des partisans à l’époque : « Certaines collègues, surtout des officiers, avaient le sentiment que je trahissais la cause des femmes dans l’armée ». Rétrospectivement, Eugénie Pollak est reconnaissante et assez fière de s’être battue avec acharnement jusqu’à la réussite de la mise en œuvre. Après son départ, un dernier pas a été franchi : incorporer des femmes dans toutes les troupes, donc aussi dans les troupes combattantes. Malgré son scepticisme antérieur, elle estime aujourd’hui que cette dernière étape était la bonne. « Je me réjouis de chaque femme qui réussit à l’armée et je suis aussi assez fière d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice », ajoute Eugénie Pollak, 75 ans.
Si vous devez vous faire remarquer, faites-le au moins de manière positive
En 1995, Madame le colonel libéré du service Sibylle Freudweiler-Haab a été la première conductrice de véhicule à moteur à payer ses galons de lieutenant dans une école de sous-officiers/recrues de grenadiers. Elle avait encore effectué son école de recrues sous le régime du Service féminin de l’armée (SFA). Les services qui ont suivi ont été d’une longueur identique à celle de ses camarades masculins, et elle était souvent la seule femme, même après avoir obtenu le grade de lieutenant. Bien sûr, cela l’a fait remarquer, qu’elle le veuille ou non. La confiance de ses supérieurs et l’objectif d’intégrer les femmes dans l’armée sans préjugés l’ont incitée à continuer. Elle estime que traiter les femmes militaires de manière particulière, même si elles étaient et sont encore des « cas isolés », est dérangeant et ne mène à rien. Elle ne voulait pas et ne veut toujours pas être une « femme alibi » : elle entend être évaluée sur la base de ses prestations, de ses capacités et de son expérience.
Avec une école de recrues de quatre semaines seulement, on n’était pas vraiment prises au sérieux
Lorsque Madame le sergent libéré du service Ursula Heuberger se remémore ses années de service dans les troupes logistiques et sanitaires au milieu des années 1990, elle est bien consciente des différences liées au sexe. En effet, le fait que son école de recrues n’ait duré que quatre semaines l’a personnellement beaucoup dérangée. Certes, celle-ci était très intense, mais elle ne voulait pas parvenir au but plus rapidement. Lorsqu’elle fut incorporée dans une formation régulière, elle a dû fournir un effort supplémentaire, par exemple dans le cadre du maniement des armes. Ce fut également un défi tout particulier pour elle lorsqu’en tant que caporal, elle a dû dispenser une instruction spécifique aux camions à un groupe d’homme. Néanmoins, la plupart des hommes ont fait preuve de camaraderie. Ursula Heuberger était heureuse de constater qu’elle était beaucoup mieux acceptée dans la communauté militaire lorsqu’elle payait ses galons comme ses camarades masculins. Et les hommes admettaient volontiers que la mixité influait sur leur comportement : la présence de femmes améliorait nettement leur ton. Pour Ursula Heuberger, cette harmonisation de la durée de formation a constitué une étape de plus vers la nécessaire égalité des droits.
La camaraderie fait ses preuves
La recrue Livia Schneider est actuellement à l’école de recrues sanitaires d’Airolo. Son bilan après quelques semaines est tout à fait positif. Les relations avec ses camarades et avec les cadres sont agréables et elle ne remarque guère de différences entre les sexes. Elle est consciente que dans son arme, la proportion de femmes est plus élevée que dans d’autres unités. Ce qu’elle apprécie par-dessus tout, c’est la diversité qui règne au sein de sa section. Grâce aux vastes compétences professionnelles et sociales qui la composent, l’équipe a trouvé une bonne solution à chaque problème. « Nous avons toutes et tous rapidement formé une unité. La camaraderie tant vantée est vraiment impressionnante ».
Vision de la diversité
En janvier 2022, une nouvelle étape importante a été franchie avec la création du service « Femmes dans l’armée et diversité ». Ce service poursuit deux objectifs principaux. D’une part, il soutient la volonté d’augmenter la proportion de femmes dans l’armée à 10 % d’ici 2030. D’autre part, il encourage la diversité et l’intégration des minorités dans l’armée. Le commandement de l’armée applique une tolérance zéro à l’égard de toute forme de discrimination. Le service s’adresse à tous les militaires, indépendamment de leur origine, de leur âge, de leur sexe, de leur religion ou de leur orientation sexuelle. Il complète l’offre de conseil et d’accompagnement existante.
Femmes dans l’armée
Vers un service militaire égalitaire
La place des femmes dans l’armée a évolué en parallèle de l’évolution de leur image dans la société suisse du XXe siècle. Rappelons que le droit de vote et d’éligibilité féminin n’a été accepté au niveau fédéral qu’en 1971. Les femmes devront patienter près de 20 années supplémentaires avant que ce droit ne leur soit aussi accordé dans les Rhodes-Intérieures, dernier canton réfractaire. Depuis la création du Service complémentaire féminin, il a ainsi fallu attendre presque 60 ans pour que les Suissesses aient accès à toutes les fonctions et à tous les grades au sein de l’Armée suisse.
Bien que le principe de l’égalité entre hommes et femmes ait été inscrit dans la Constitution fédérale en 1981, peu de choses ont changé dans la réalité au début. En 1984, le Service complémentaire féminin (SCF) a certes été officiellement dissous et remplacé par le Service féminin de l’armée (SFA). Les nouvelles prescriptions du SFA ont permis l’introduction en 1986 des mêmes grades et fonctions pour les femmes. Cependant, contrairement au principe d’égalité des droits, les femmes n’avaient pas le droit d’être formées aux armes ou d’en porter. C’est en 1991 seulement que le port volontaire de l’arme — à des fins d’autoprotection — a été toléré au sein du SFA.
Ces dispositions ont également été adaptées lors de la dissolution du SFA en 1995. Par la suite, les femmes ont également pu suivre une instruction au fusil d’assaut. L’instruction au combat en tant que tel est cependant restée prohibée.
Et aujourd’hui ?
Le passage à Armée XXI a permis de lever les derniers obstacles juridiques à l’égalité des droits dans les structures militaires. Depuis lors, le service armé est contraignant pour les femmes volontaires tout comme il l’est pour les hommes.
Tous deux doivent soumettre une demande s’ils souhaitent accomplir un service sans arme. La gent féminine peut désormais accéder aux mêmes fonctions militaires que les hommes. Aujourd’hui, plus de 1300 femmes servent dans l’Armée suisse (état au 1er mars 2019), dont 326 au rang d’officier. (Les chiffres actuels sont commandés....)
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